Le Poète, en 1913, en prend pour son grade sous la plume acérée de Léon Werth. Pour sa démonstration, l’observateur lucide en vient à inventer, avec un peu d’avance, la poésie phonétique et le poème ready-made. L’article parut dans Les Cahiers d’aujourd’hui n°6, en août 1913.
LES POÈTES
C’était dans le salon d’attente d’un dentiste, au début de l’année 1913. Par hasard, je trouvai, au milieu des albums de villes d’eaux et des derniers numéros de L’Illustration, un livre de Renan. C’était avant le coup d’État. La France n’était pas encore gouvernée par le triumvirat du duc d’Orléans, du prince Victor et de M. Raymond Poincaré, dont les décisions ont force de loi, sous le seul contrôle de M. Schneider du Creusot. La loi de neuf ans n’était pas encore votée. M. Georges Lecomte et M. Jean Richepin n’avaient pas encore été chargés de dresser une liste officielle des bons livres et des livres dangereux. M. Paul Adam n’avait pas encore prouvé définitivement son loyalisme en demandant à faire partie du peloton d’exécution qui assassina Jean Jaurès. Il n’était pas encore placé à la tête de la police générale du royaume et ne dirigeait pas les perquisitions chez les sujets soupçonnés d’acquérir ou de garder chez eux des livres interdits. Ces quelques détails rétrospectifs sont nécessaires pour expliquer la présence d’un livre d’Ernest Renan dans un salon de dentiste. Je le parcourais machinalement, quand je lus une phrase dont le sens seul est resté dans ma mémoire. Renan montrait combien est puéril aujourd’hui tout pastiche des formes lyriques du passé. Je n’ai de cette phrase qu’un vague souvenir. Et je répète, par une bien légitime prudence, qu’à cette époque Renan n’était pas encore prohibé sur tout le territoire de l’Empire royal et métallurgique de France. J’avais été d’autant plus attentif à cette phrase de Renan, lue par hasard, que je m’étonnais depuis longtemps d’une singulière contradiction : notre indulgence pour les poètes est sans limites et nous traiterions de dégénéré quiconque voudrait remplacer l’écriture actuelle par l’écriture idéographique, sous prétexte que l’écriture idéographique est plus jolie.
Les poètes primitifs emportaient avec eux leurs chansons et leurs récits, comme les commis-voyageurs emportent leurs collections. Sans doute, cette comparaison est bien prosaïque. Et je reconnais qu’elle est blessante pour les commis-voyageurs. Un commis-voyageur peut être un homme et un homme intelligent. Un poète, au sens où l’entendent les gens du monde et les critiques littéraires, ne peut être qu’un imbécile.
La forme fixe du poème était donc une nécessité mnémotechnique. Elle rendait le poème facilement transportable et elle permettait au public d’en retenir des fragments et d’attendre ainsi le poète jusqu’à son prochain passage.
Mais la poésie devint bien vite une sorte de religion. Elle eut ses rites et lorsqu’on cessa de danser et de chanter les vers, les poètes inventèrent des rites typographiques.
Et le rythme ? Car les poètes, entre eux, parlent du rythme, et quand ils vont aux champs, ils discutent de la « Technique ».
Mais rythmez… Qui donc vous empêche de rythmer ? Il n’est pas nécessaire de dessiner typographiquement votre rythme. Nous le découvrirons tous s’il existe. Le poète est un musicien barnum, qui nous dit à chaque phrase le nom des instruments dont use son orchestre. Et le plus souvent, il ne donne que l’image typographique de son rythme : le poète est un faux monnayeur. Il compte sur ses doigts, pour que ses vers soient réguliers. Il compte aussi sur ses doigts, pour être bien sûr qu’ils ne le sont pas.
Il y a aussi la musique, la pure musique des mots, la divine sonorité pure. J’ai connu, dans un village, un vrai poète. C’était un vieillard gâteux qu’on portait jusqu’à sa fenêtre, si le temps était beau. Et il faisait : « ba… ba… ba… la… la… la… ga… ga… ga… » Quand je passais sur la route, je l’entendais qui geignait son éternel refrain syllabique… Il eut une période de rémission et redevint à peu près normal. Il se souvenait très bien de sa crise. Et il me confia :
— Je suis atrocement malheureux…
Je voulais éviter ses confidences. J’étais gêné. Je ne sais rien de douloureux comme un fou qui reconnaît et déplore sa folie. On ne peut que lui distribuer de vagues et sottes consolations. On lui parle d’un ami qui a été enfermé trois ans… — Et trois ans… vous n’avez pas été malade trois ans… vous… ! — et qui depuis a construit des lignes de chemins de fer, bâti les Pyramides, écrit la Bible et Roméo et Juliette, fondé une famille de grands poètes et de grands ingénieurs.
Mais le vieillard guéri s’obstinait à ses confidences :
— Je suis malheureux.
Je l’interrompis :
— Il ne faut pas y penser… C’est fini… c’est bien fini.
Il continua :
— C’est ce qui me désespère… ! Tenez… Je vous vois… je sais qui vous êtes… Je vois passer des hommes et des femmes sur la route. Je les connais par leur nom. Mes enfants… je les aime mes enfants. Évidemment c’est agréable de n’être pas gâteux. Mais comme c’est fatigant ! Si vous saviez le plaisir, l’inexprimable plaisir que j’éprouvais auparavant, quand, des heures entières, sans rien voir et sans penser à rien, je faisais : « la… la… la… ba… ba… ga… ga… ga… » C’est si joli : la… la… la… Ça sonne si bien : ga… ga… ga… Ça remplit la chambre : la… la… la… Ça donne du bonheur : la… la… la… ga… ga… ga… Ça se chante… Que dis-je… ça chante tout seul. C’est beau par la sonorité pure : ba… ba… ba… la… la… la… ga… ga… ga…
Et Baudelaire ? Et Verlaine ? Et Verhaeren ? Et Laforgue ? Et plus récemment Spire ou Vildrac ?
Ce ne sont pas des poètes. Les poètes, ce sont les autres.
Eux, ils usent de certaines commodités oratoires ou rythmiques. Ils y trouvent leurs avantages et nous notre compte. Le verset leur est un moyen de contracter leur pensée ou de rassembler leurs images. Ils manient la langue comme un bon ouvrier son outil. Ce sont des écrivains et voilà tout. Ils remuent le monde avec les mots, comme on bêche avec une pelle. Mais les autres, les poètes avec un grand P ramassent les raclures de la pelle.
Ce n’est pas difficile : il suffit d’aller à la ligne. L’alinéa est le signe même du génie poétique. La poésie est un fruit que la nature produit par tranches distinctes. Là est le mystère. Prenez n’importe quelle phrase. Disposez-la en tronçons : par la magie de l’alinéa, chaque tronçon, isolé dans le blanc de la page, éclatera comme un oracle inattendu. Le vers est comme un mot nouveau créé par le poète, pensait Stéphane Mallarmé. Le vers a cette vertu de guillemeter les mots, tous les mots dont il est fait. Et j’ai tort de dire : le vers.. N’importe quel mot, n’importe quelle syllabe devient — par la sorcellerie de l’alinéa — poétique. Claudel, qui a du génie, sait rendre poétique la syllabe car, en passant à la ligne. Essayez avec le plus simple fait divers, et si vous ne réussissez pas, c’est que vous n’avez pas de génie :
Se sentant le plus faible
Il tira son couteau
Et l’en frappa au cœur
Je copie maintenant le texte d’une carte postale écrite par un soldat à sa mère :
Je t’envoie de mes nouvelles
Qui pour le moment sont bonnes.
J’espère que la présence de cette carte
Te trouvera de même.
Je copie au hasard dans l’Indicateur de l’Ouest-État :
Le train 3853
Ne circule entre Saint-Mariens et Coutras
Que les jours de foire à Maransin
(Habituellement le premier samedi
De chaque mois),
Les jours de foire à Guitres,
Les jours de foire à Coutras
Et le jour de la grande foire de Lapougade…
Je copie le bulletin de « l’Œuvre de saint François de Sales pour la défense et la conservation de la foi, pour le soutien des écoles chrétiennes, des œuvres de persévérance, la diffusion des bons livres et des objets de piété « . Je n’en fais pas ma lecture habituelle. Mais je suis en Bretagne :
Nous continuerons à prier pour nos Écoles
Où la Maçonnerie triomphante
Veut consolider et étendre toujours plus le règne de Satan
Son inspirateur et son chef.
Immense est le mal déjà fait
Et plus grand encore celui qui nous menace.
Imaginez tous ces « vers » — ceux de l’Indicateur de l’Ouest-État et ceux du « Bulletin de l’Œuvre de saint François de Sales » et ceux du fait divers et ceux de la lettre du soldat — sur vergé d’Arches, au beau milieu d’une page blanche, en une élégante plaquette à tirage restreint. Ils portent la marque d’une inspiration toute biblique. Je conseille cette formule aux jeunes gens qui se destinent à la carrière du génie. Les possibilités de combinaisons verbales y sont innombrables. Le poème sur Phryné, sur Psyché ou sur le cocktail, est devenu un jeu de patience dont les combinaisons favorables sont un peu trop usées. De plus il sent son journaliste ou son joueur de tennis. Je ne parle que pour mémoire du vers fantaisiste pour levers de rideau :
Comme j’étais assis sur le vieux banc moussu
Les paysans passaient, disant : Bonjour Moussu…
Les chiffonniers ne les ramassent même plus dans les poubelles de la place de l’Odéon.
Je n’ose d’ailleurs parler du vers régulier qui semble aujourd’hui réservé aux fournitures de théâtre. Quelques dames persistent aussi à s’en servir. Mais elles prennent avec lui quelques libertés, de peur de trop se vieillir. A peine osent elles en disposer les rimes symétriquement, comme deux candélabres aux coins d’une cheminée.
Le poète fut chevelu et voulut conduire les foules. C’était une illusion, peut-être puérile, mais généreuse. La poésie n’était pas encore un des rites — le plus bête — de la vie de certains salons.
Dans un vers, il y a les mots de la prose, plus la poésie, qui, par définition, est sous-entendue. Quelquefois le poète a de la culture : ce qui a été inventé par un écrivain véritable, le poète le reprend et le morcelle. Les mots entraînent nos souvenirs livresques. Nous sommes complices. La poésie est alors un exercice un peu vain, un sport que pratiquent ensemble un auteur qui a lu et des lecteurs qui ont lu. Le poète emmène Ophélie sur le bord des étangs. Bien qu’un peu opéra-comique, le balcon de Juliette rend de grands services encore pour des escalades de tout repos. Le poète n’est souvent qu’un critique littéraire honteux.
C’est aussi un chef d’accessoires. Il a la lampe, la clef, la guirlande. Il prend où il peut. Car il lui est interdit de « donner un sens plus pur aux mots de la tribu ». Cela, c’est métier d’ouvrier, c’est œuvre de prosateur. L’art du poète n’existe que par le prestige de ce qu’un mot évoque, avant que lui même l’ait employé. Son rôle est de présenter avec adresse les coupons en solde des grandes pièces écoulées. Le poète a le geste avantageux. C’est le calicot de la littérature. J’ai connu d’autres poètes que le gâteux du village. J’en ai connu d’ingénieux qui, hors leur manie, semblaient des hommes comme les autres. Mais c’était pure illusion.
Henri Wallon m’a expliqué ce que les aliénistes entendent par le mentisme. C’est un fonctionnement à vide du cerveau fatigué, qui continue automatiquement son travail, qui répète, sans effort d’attention et sans évocation d’un objet, les opérations qui lui sont habituelles. La poésie est une forme de mentisme. Elle est le mentisme de la littérature.
Je ne songe qu’au poète tel que me le donne la vie présente. Et je sais bien toutes les commodités oratoires du vers classique et du vers romantique. Je songe au poète d’aujourd’hui usant de vieux rythmes ou plagiant tout à la fois Whitman, Franc-Nohain et Paul Claudel.
Ce n’est pas qu’à sa versification que sa tare se manifeste. Elle est plus grave. Ce poète là, c’est l’artiste, tel que s’apparaît à lui-même le bourgeois, qui écrit, sût-il écrire.
— Je suis un artiste… dit-il
Et par là il se croit de très bonne foi supérieur aux autres hommes. Ce sentiment lui crée une âme d’esclave et de parasite. Comme il veut avant tout avoir les pieds au chaud pour évoquer ses Ophélie de bazar, de légende ou même, s’il en est capable, de Shakespeare, il se fait bien vite un cerveau de petit mercier. Il va tout droit à l’ordre qui lui garantit une paire de pantoufles. Il tremble pour la culture comme un petit rentier tremble pour son bas de laine. Il hurle d’enthousiasme, si les soldats passent devant sa fenêtre, parce que le soldat est le défenseur de l’ordre de Krupp et de Racine contre les barbares et les primaires et parce que le soldat est une image d’Epinal vivante. Il ne comprend d’ailleurs, ni Racine, ni l’image d’Épinal, puisqu’il croit qu’à les recommencer, on les égalerait. Cet être frileux, ce gardien de musée est féroce.
Il est féroce, parce qu’il est bête ou du moins parce qu’il n’a qu’une culture de pion. Il possède, avec un peu de mallarméisme ou de whitmanisme surajouté, les notions que pouvait avoir au XVIIIe siècle un bon élève des Jésuites. Ah ! il est protégé contre les orateurs de cabaret ! Sous prétexte qu’un instituteur de hameau a des idées trop simples sur l’origine du monde, il accepte toute idée simple, pourvu qu’elle ait une patine. Un politicien de cabaret l’indigne. Mais un politicien d’église, il le respecte, parce qu’il aime les idées légendaires, incapable qu’il est de créer des légendes, et parce qu’il a le respect du châtelain, en troubadour qu’on nourrit au château.
Je ne crois pas à l’idéologie. Mais le bon poète, le pur artiste se trompe s’il croit qu’on se libère de l’idéologie, à la façon de l’autruche qui met sa tête dans le sable. L’artiste, bon dandy, ignore tous ceux qui ont affronté sans bassesse, les problèmes irrésolus. Il ne connaît que des manuels d’instruction laïque ; je ne sais s’il a tort ou raison de leur préférer les jeux du cirque des religions révélées. Il aime le boniment forain. C’est sa philosophie. Il a lu un manuel de bachot. Il est semblable à l’enfant qui ne veut pas apprendre à nager parce qu’on ne traverse pas la mer. Il ne sait pas la joie de s’en aller à la vague. Il ne sait pas que pour cette joie-là des hommes sont morts. Il regarde la mer, ce poète, à la façon des dames, qui, sur la plage, ont apporté leur pliant. La belle et tâtonnante ivresse critique, — tant pis s’il n’y a pas d’autre mot — il ne la connaît pas. Il distingue le dévot du Tartuffe. Mais il ne connaît que M. Homais. Et déjà Renan lui apparaît comme une sorte de Homais. Quand Maeterlinck publia la Mort, ils hurlèrent tous comme des chiens qui voient passer un chemineau. Ils lui reprochèrent d’anéantir le mystère, parce qu’il allait au mystère, pas à pas, le plus loin qu’il pouvait et puis revenait à nous, sans plus. Leur mystère, c’est la patine accumulée sur une idée commode. Leur mystère, c’est de la crasse.
J’accepte que le poète ignore les innombrables inquiétudes, qui, par la recherche des savants, tendent à se multiplier plus encore qu’à se satisfaire. Un artiste n’a nul besoin de méditer et l’atome et l’éther. Mais que cet artiste, qui aboie au primaire, soit le plus incurable des primaires, cela n’est pas sans comique. Il tient Edison pour le plus grand savant du XIXe siècle. Il est prêt à énumérer les grandes découvertes de la science. Et il se moque des chromos, de Rostand et de Richepin ! Il se moque des orateurs de cabaret ! Mais il n’a que des notions de lycée et de café littéraire. Pauvre petit poète qui n’ose plus parler de sa tour d’ivoire, mais qui y croit encore. Sa tour d’ivoire est un coquillage. Il vit accroché au banc de la poésie. S’il m’arrive de causer avec le pur poète d’un problème présent, je m’aperçois qu’il n’a pour la résoudre que sa lampe, sa clef et sa guirlande. Il n’en éprouve aucun embarras. D’autres ont pensé pour lui. Lesquels ? Je constate, avec une sorte de terreur que le poète raisonne comme une concierge qui lit le Petit Parisien. Et s’il a besoin, en plus d’une dialectique, il lit l’Action Française. Le poète pense en petit mercier. Il se méfie des agitateurs. Et au fond de sa doctrine, il y a l’Argent le Père que seul lui garantit Dieu le Fils. Le poète, quand il est bête, est parfois désintéressé. L’argent des riches est alors nécessaire pour qu’Ophélie s’achète une robe blanche.
« La forme fixe du poème était donc une nécessité mnémotechnique. Elle rendait le poème facilement transportable et elle permettait au public d’en retenir des fragments et d’attendre ainsi le poète jusqu’à son prochain passage.
Mais la poésie devint bien vite une sorte de religion. Elle eut ses rites et lorsqu’on cessa de danser et de chanter les vers, les poètes inventèrent des rites typographiques.
Et le rythme ? Car les poètes, entre eux, parlent du rythme, et quand ils vont aux champs, ils discutent de la « Technique ». »
Ces propos de Léon Werth en 1913 trouve un écho dans cet extrait de « Visages de l’avant-garde » (p. 17 à 20), texte de l’Internationale lettriste datant de 1953, resté inédit puis publié en 2010 chez l’éditeur Jean-Paul Rocher, et reprenant ici les conceptions d’Isidore Isou sur la poésie :
« On constate au cours de l’évolution de la poésie deux périodes bien distinctes : l’une d’amplitude débute avec l’apparition de la poésie dans le monde et s’achève avec Victor Hugo ; l’autre commence effectivement avec Baudelaire et dure encore. On la définit : période de ciselure.
La période amplique, parce qu’elle disposa de tous les éléments qui furent nécessaires, réussit à créer des œuvres immenses traitant de sujets larges et divers. Ce qui constitua le trait prépondérant de cette époque, ce fut que possédant tant de matériaux, elle put créer en dehors de son propre domaine.
Elle s’est préoccupée de décrire des sujets extrinsèques étrangers à elle-même (des idées, des anecdotes, etc.).
La condition de la poésie, l’a priori auquel le poète était lié était le discours, et sa seule façon de lui résister, c’était précisément de créer par le vers. Les amateurs de poésie étaient toujours préoccupés de savoir ce que le créateur avait exprimé dans son œuvre : que ce soit une épopée, une histoire d’amour ou une narration sentimentale. Pour le poète de cette période, la poésie n’est qu’une forme passagère pour exprimer ce qu’il voulait dire. Avant tout, il était nécessaire qu’il en possédât l’idée, le sujet. Cette versification est exclusivement sociale. On la récite à des occasions solennelles, on la déclame dans des salles publiques, on la dit dans les salons, au cours des manifestations et des assemblées populaires, et ceci, parce qu’elle possède des éléments clairs et généraux.
La poésie ne possède pas de domaine et découvre ses sujets partout, pour pénétrer, souvent, même en des disciplines qui lui sont étrangères. […]
La poésie ciselante s’engage sur une nouvelle voie. Après Baudelaire, toute la vision poétique est transformée. On élimine les sujets. Les poètes essaient alors à créer la poésie dans son essence. Ils cherchent à faire un poème par l’équilibre des vers mêmes, par l’arrangement des beautés de la langue. Le poète, pour la victoire de son œuvre, ne part armé d’aucun secours traditionnel. Le travail poétique devient une purification, une destruction. On essaie de chasser tout ce qui a une correspondance quelconque avec des éléments qui lui sont étrangers.
On recherche des métaphores, des images, des mots précieux et rares, le choc de certaines altérations ressorties de paroles.
On cherche à dégager des lois, ainsi que la profondeur de la poésie même.
Ouvrage de spécialiste, parce qu’on ne trouve plus le sens général et on ne communique plus avec le lecteur dans d’autres domaines. C’est pourquoi, la poésie fut, alors, un métier compris seulement par les techniciens et les connaisseurs, s’éloignant du public qui ne peut s’attacher à une stricte spécialisation. »
Merci, Arthur, pour cet extrait d’un livre qui m’a en effet l’air bien intéressant.