Rimbaud à l’épreuve de la biométrique de similarité

Written by Gregory Haleux

En date du 15 avril, ici même, je me moquais, en parodiant, du dernier rebondissement concernant la fameuse photographie supposée d’Arthur Rimbaud, découverte en 2008 par deux libraires, photographie qui suscita une polémique dans le petit monde de la Rimbaldie. Si vous n’avez pas suivi en leur temps les interventions des uns et des autres, je vous conseille la consultation du blog d’un certain Circeto, qui relate avec beaucoup d’humour cette frénésie : Rimbaud était un autre ! Vous y apprécierez l’entourloupe intellectuelle (à la hauteur – c’est-à-dire aussi la bassesse – de l’enjeu financier) menée par deux libraires et un éminent biographe, Jean-Jacques Lefrère, habitué de ce genre de manoeuvres. C’est très instructif.

[Je précise que je me fous pas mal de connaître le visage de Rimbaud et que c’est la malhonnêteté – et la paresse des media, ainsi que la triste complaisance de plusieurs – qui me fait réagir]

Ce dernier rebondissement, donc. Il s’agit d’une « expertise en biométrique de similarité » réalisée, sur la photographie, par le chercheur-enseignant Brice Poreau, de l’Université de Lyon. C’est une technique, nous dit-on, « qui a fait ses preuves lors d’expertises judiciaires d’identité faciale ». Ironisons tout de suite : si elle est utilisée de cette manière par la Justice, je plains les innocents qui en ont fait les frais. Le rapport d’expertise est consultable. [edit, 3 novembre 2014 : la page a depuis longtemps disparu… si vous voulez consulter ce rapport, vous pouvez me contacter par mail afin que je vous envoie le pdf)

 

Une drôle de méthode

Comment s’y prend le chercheur Brice Poreau ? Il compare la nouvelle photographie – dite du Coin de table à Aden – avec cinq portraits du poète : quatre photographies (les deux ultra-connues de Carjat, une en communiant et une présumée le représenter adulte) et une peinture. Pour cela, il place sur le visage des points faciométriques (repères anatomiques), mesure certaines distances et calcule des indices (proportions).
Il y a dans ce premier calcul quelque chose de très gênant. Reprenons l’excellent exemple d’un commentateur du blog susmentionné : supposons deux portraits, l’un d’une personne présentant de grands yeux, l’autre d’une personne aux petits yeux ; les mesures sont, pour le premier, de 30 de largeur et 20 de hauteur, et, pour le second, de 15 et 10 ; nous aurons ainsi, pour chacun des portraits, le même indice puisque 30/20 et 15/10 donnent également 1,5. Imaginons, pour les autres mesures (nez, bouche, front, etc.) des rapports semblables et nous aurions un beau pourcentage dont nous pourrions déduire que les deux personnes n’en font qu’une bien qu’elles soient, de toute évidence, différentes.

Une autre bizarrerie qui fait sérieusement douter de la valeur de l’expertise est très bien relevée par Circeto. Tentons de l’expliquer à notre manière. Elle tient au traitement des indices pour la comparaison de deux photographies. Le premier indice (il y en a à chaque fois 35) correspond aux mesures de la longueur et de la hauteur de l’oeil droit. Pour le calculer, il faut diviser la hauteur par la longueur. Ce qui donne, pour la photographie du Coin de table à Aden, 68,44 et, pour la première photographie de Carjat, 81,92. On calcule ensuite la différence entre ces deux indices : elle est de 13,48. Bien. Voyons maintenant le dix-huitième indice, qui correspond aux mesures de la hauteur de l’oreille droite et de celle de l’oreille gauche. Il faut diviser la première mesure par la seconde, ce qui donne, pour le Coin de table à Aden, 100,09 et, pour Carjat 1, 94,15. La différence entre ces deux indices est de – 5,94. Notez bien que cette différence est négative. Or, pour calculer le taux de similarité, entre les deux photographies, Brice Poreau additionne toutes ces différences, des nombres positifs et négatifs. Plus nous nous approchons de zéro, plus le taux de similarité sera proche de 100%. Ainsi, la grande différence entre les yeux est-elle relativisée en lui additionnant celle des oreilles : 13,48 + (-5,94) = 7,54. Ajoutons la différence correspondant au rapport longueur du nez/distance entre points sourcilières inférieurs, qui est de – 7,78 et nous aurons un résultat très proche de 0 permettant d’affirmer, sur ces trois seules différences, que le taux de similarité est de 100%… Le fait que les indices, pour chaque comparaison, de photographies, soient au nombre de 35 ne donne pas plus de valeur à cet étrange calcul : de grosses différences s’annulent par le jeu entre négatif et positif… Ainsi peut-on ignorer tout détail montrant avec évidence que le petit moustachu n’est pas le même être que le jeune homme de dix-sept ans.

Les taux de similarité trouvés par Brice Poreau sont les suivants :

Coin de table à Aden / Carjat 1 : 88%
Coin de table à Aden / Carjat 2 : 89-90%
Coin de table à Aden / Rimbaud communiant : 84%
Coin de table à Aden / peinture de Fantin Latour : 85%
Coin de table à Aden / Rimbaud présumé en 1883 : 92%

Un calcul supplémentaire permet au chercheur de prouver la validité de la méthode : le taux de similarité entre Carjat 1 et Carjat 2 est de 98% ! « Ce résultat permet d’affirmer formellement que les deux portraits représentent la même personne, en l’occurence Arthur Rimbaud » (nous verrons plus loin que cette phrase, pourtant claire à cet endroit du rapport, servira à dire toute autre chose).

Quelles conclusions tire-t-il de ces résultats ? Pour les similitudes de 88-90%, que « la probabilité que les deux portraits représentent le même personnage, en l’occurrence Arthur Rimbaud, est relativement forte » ; pour celles de 84-85%, qu’elles rendent « plausible l’hypothèse que la photographie à expertiser représente bien Arthur Rimbaud » ; pour celle de 92%, qu’elle « atteste la forte probabilité que les deux clichés représentent la même personne ». La conclusion finale : « Les cinq comparaisons sont en faveur d’une très forte probabilité que l’homme assis tout à droite de la photographie à expertiser soit bien Arthur Rimbaud »
Probabilité donc…
Et non, comme tous les media l’ont rapporté, authentification…

 

Les réactions de la presse

Les titres de la presse sont à cet égard éloquents :

L’Express : « Sur la photo, c’était bien Rimbaud ! »
Francetv.info : « Une nouvelle photo d’Arthur Rimbaud finalement authentifiée »
ActuaLitté : « Authentification d’une photographie supposée de Rimbaud au Yémen »
Le Figaro : « La photo de Rimbaud à Aden authentifiée par un chercheur »
Libération : « Rimbaud dans son jardin d’Aden »
Le Nouvel Observateur : « Les Experts ont identifié Rimbaud »
Le Point : « Le cliché d’Arthur Rimbaud adulte finalement authentifié »
Livres-Hebdo : « Une étude biométrique confirme une photographie avec Rimbaud »
Sciences et Avenir : « La police scientifique vient d’identifier formellement… Arthur Rimbaud »

Il semble qu’aucun de ces journalistes – nommons-les pour la popo, la postérité : Jérôme Dupuis, Julien Helmlinger, Blandine Le Cain, Dominique Poiret, Vincent Leconte, Grégoire Leménager, Nina Bontemps-Terry, Vincy Thomas, Carole Chatelain – n’ait vraiment consulté la source.

Autre chose étonnante, qui explique en partie ces titres, tous ces articles répètent une même erreur d’interprétation, à croire que le premier à avoir dégainé (L’Express, qui n’est pas neutre puisqu’il fut également le premier à publier le cliché et s’en vante encore) a ensuite été copié par tous les autres, sans souci de vérification. Tous parlent du score de 98% comme correspondant à la comparaison Coin de table à Aden/Carjat alors qu’il concerne les seules deux photographies de Carjat :

L’Express : « La comparaison avec la photo Carjat révèle même un « pourcentage d’assimilation supérieur à 98%. Conclusion du chercheur : « Ce résultat permet d’affirmer formellement que les deux portraits représentent la même personne, en l’occurence Arthur Rimbaud » »
Francetv.info : « Résultat : il existe un « pourcentage d’assimilation supérieur à 98% » entre l’homme de cette photo et l’adolescent immortalisé par Etienne Carjat en 1871. »
ActuaLitté : « Grâce à la science, et une étude biométrique plus précisément, la photographie datant du début des années 1880 a finalement été authentifiée à 98 %. » ; « Selon lui, il serait fortement vraisemblable qu’il s’agisse bien d’Arthur Rimbaud sur la photographie. Il en est assuré à hauteur de 98 %. » ; « Et chiffre qui monterait même au-dessus de la barre des 98 % lorsque le cliché est comparé avec la photo Carjat. Son verdict : « Ce résultat permet d’affirmer formellement que les deux portraits représentent la même personne, en l’occurrence Arthur Rimbaud. » »
Le Figaro : « Une similarité proche de 100 % » ; « Dans le cas de la photo dite «Carjat», la plus répandue, la concordance atteindrait même les 98%. »
Libération : « Pour l’ensemble des comparaisons les chercheurs ont obtenu une moyenne de 88% de similitude, et jusqu’à 98% pour la photo prise par Carjat. »
Le Nouvel Observateur : « Un chiffre extrêmement élevé pour ce type d’étude – et qui atteint même 98% avec la photo de Carjat. »
Livres-Hebdo : « Le score atteint même 98 % lorsqu’on compare le cliché d’Aden avec la photo la plus connue de Rimbaud âgé de 17 ans, les cheveux en bataille et la cravate de travers, immortalisée par Etienne Carjat en 1871. »

Seul le journaliste de L’Express, parmi ceux à qui je signalai l’erreur, corrigea… tout en maintenant les termes d’authentification, notamment dans le titre et le chapeau glorieux, et ce genre de désinformation : « Depuis [la première publication du cliché], les innombrables éléments découverts sur les autres personnages figurant sur la photo ne laissaient guère de doute : il s’agissait bien du poète des Illuminations. »

Mais revenons-en à la conclusion du rapport qui n’authentifie rien, sinon une probabilité… Il est même précisé : « Des études physiques de la photographie, ainsi que des études historiques pourraient utilement corroborées [sic] le présent rapport ». Or, aucune étude physique de la photographie n’a été faite et, loin de corroborer, les études historiques réalisées jusque maintenant infirment la présence de Rimbaud sur la photographie retrouvée.

 

Des incohérences

Un examen plus attentif du rapport révèle d’autres incohérences.
Les pourcentages d’assimilation sont compris entre 84 et 92. Mais le score de 92% correspond à la comparaison entre la photographie du Coin de table à Aden avec celle d’un Arthur Rimbaud présumé, à Sheik-Othman (datée de 1883, découverte en 1999) : quel est l’intérêt de comparer deux photographies présumées ? Cela pourrait aller dans le sens d’une probabilité qu’elles représentent la même personne, mais pas nécessairement Arthur Rimbaud… D’autre part, cette photographie de 1883 – Brice Poreau l’admet – est d’une « piètre qualité », le visage, noirci, révèle très peu de détails et l’on se demande comment le chercheur a réussi à y trouver tout de même 22 paramètres (au lieu de 36 habituellement). Pire, Brice Poreau n’arrive à en déduire que 12 indices (au lieu de 35 habituellement ; et nous verrons que M. Poreau oublie étrangement de compter quelques indices) ! Il admet d’ailleurs que c’est bien peu : « Néanmoins, le faible nombre de ces derniers ne permet pas de conclure de manière définitive que la photographie à expertiser représente bien Arthur Rimbaud ! » Le raisonnement est absurde puisqu’il laisse entendre que si le nombre d’indices était suffisant, nous pourrions authentifier Rimbaud sur la photographie du Coin de table à Aden, même si le score n’est que de 92% et même s’il n’y a aucune certitude que ce soit bien le poète sur la photographie de Sheik-Othman… Il est vraiment étonnant que cette photographie si calcinée et présumée ait été retenue pour la démonstration et dans la conclusion…

Les photographies de Carjat ont été retouchées (notamment pour les yeux et les oreilles), Brice Poreau le sait et le dit à un endroit de son rapport. Mais il n’en a tenu aucun compte.

Une autre belle incohérence concerne ce qui est dit des écarts importants constatés dans chaque comparaison.
Ainsi, pour la première comparaison Coin de table/Carjat 1, Brice Poreau évoque 6 écarts importants, qu’on pourrait dire plutôt très importants : la différence est comprise entre 14 et 22 points, ce qui paraît non négligeable. Or, non seulement ces très grosses différences sont négligées par cette étrange méthode de « biométrique de similarité » (elles s’annulent par le jeu des + et des -), mais Brice Poreau les relativise de manière bien légère : « Ces différences peuvent s’expliquer par la légère rotation du visage à expertiser. Les autres indices sont concordants. » Si elles peuvent s’expliquer par une légère rotation, il nous semble qu’elles pourraient tout aussi bien s’expliquer par de vraies différences anatomiques… Il y a plus inquiétant encore quant au sérieux de ce travail scientifique. « Les autres indices sont concordants », nous dit-on… mais ce n’est pas vrai : nous trouvons 4 autres écarts très importants (+ de 10 points de différence), que Brice Poreau ne mentionne pas. Pourquoi ? D’autre part, nous voyons dans une autre étude du même chercheur qu’un écart de 4,4 points est dit « important ». Nous pouvons alors intégrer à cette catégorie des « écarts importants », 5 autres différences entre indices, ce qui nous amène à constater que près de la moitié des 35 écarts sont importants ou très importants…
Nous pouvons faire la même analyse sur les autres comparaisons de photographies :
– avec Carjat 2 : Brice Poreau évoque 4 écarts très importants (avec le même relativisme quant à la question de la rotation) mais nous en relevons 5 de plus, et nous trouvons 4 autres écarts importants ;
– avec la photo de communion : Brice Poreau évoque 4 écarts très importants (toujours même relativisme) mais nous en relevons 4 de plus, et nous trouvons 12 autres écarts importants !

Autre bizarrerie : aller chercher une ressemblance au centième de millimètre (on le précise pour vanter la méthode) dans une peinture… Quel que soit le talent d’un peintre, ou sa volonté de réalisme, il peut difficilement avoir le regard et le pinceau photographiques, atteindre cette précision du centième de millimètre… Pourquoi pas s’amuser à comparer, mais il nous semble que ça ne peut être probant : une peinture n’est décidément pas une photographie… (et encore faut-il que la photographie n’ait pas de défauts majeurs, nous l’avons vu).

 

Des erreurs en pagaille

Nous avons gardé le meilleur pour la fin.
Un examen supplémentaire des jolis tableaux du rapport et, comme Circeto, nous découvrons… des erreurs de division… Pas deux ou trois sur l’ensemble du rapport… mais entre 5 et 10 par tableau ! Une quarantaine d’erreurs de division ! Et pas des moindres ! Plutôt du genre à fausser complètement les résultats, dont on doutait déjà sans cela.

Voici par exemple un extrait du tableau de la deuxième comparaison – Coin de table à Aden/Carjat 2. J’y ai reporté, en rouge, les résultats corrigés des opérations. On voit que le score final en est singulièrement changé…

 

 

 

Vous pouvez vérifier à votre tour, c’est très simple : par exemple, pour l’indice 22, est indiqué le type de calcul à faire : L28 divisé par L27 ; il suffit de se reporter à la partie gauche du tableau où sont indiquées les mesures : pour Carjat 2, L28 = 40,8 et L27 = 54,76 ; ce qui donne 40,8 divisé par 54,76 multiplié par 100 = 74,5 et non 37,98…

Autre exemple, le tableau de la dernière comparaison – Coin de table à Aden/photo de Sheik-Othman – où, en plus des corrections des opérations, j’ai ajouté les indices qui pouvaient être calculés mais qui, par un étrange oubli de Brice Poreau, ne l’on pas été… Encore une fois, le score change beaucoup !

 

 

Sur son blog, Circeto a tout recalculé en corrigeant les erreurs, mais aussi en changeant la méthode d’addition – très critiquable – de toutes les différences : il ne tient pas compte, avec logique, des signes négatifs et positifs. Le résultat est très intéressant.

J’ai, pour ma part, refait les calculs, avec les corrections, mais en gardant la méthode d’addition, afin de voir quel rapport aurait dû rendre Brice Poreau s’il n’avait pas commis ces tristes erreurs de calcul… Le résultat est également très intéressant.
Tous les scores de similarité sont alors supérieurs, sauf pour celui censé valider la fiabilité de la biométrique de similarité. Voyez plutôt :

– comparaison Coin de table à Aden/Carjat 1 : 92,5 % au lieu de 88% ;
– comparaison Coin de table à Aden/Carjat 2 : 100% au lieu de 90% !!!

Il est important, ici, de commenter. Le score de 100% est normalement, selon Brice Poreau lui-même, impossible à atteindre. Surtout dans la comparaison de la photo d’un adulte et de celle d’un enfant… : « la différence d’âge induit des modifications morphologiques plus importantes ». Mais ce score est même impossible à atteindre pour deux photos prises le même jour : ainsi Brice Poreau n’arrive-t-il pour la comparaison Carjat 1/Carjat 2 qu’à 98%.

– comparaison Coin de table à Aden/communion : 98% au lieu de 84%

La remarque précédente est valable là aussi : 98% semble un score trop élevé pour la comparaison entre un adulte et un enfant…

– comparaison Coin de table à Aden/peinture de Fantin Latour : même score de 85%
– comparaison Coin de table à Aden/photo de Sheik-Othman : 97-98% au lieu de 92 %

Les tenants de la thèse Rimbaud sur la photo de l’Hôtel de l’Univers à Aden pourraient bêtement se réjouir de ces résultats corrigés.
Mais il en manque un :

– comparaison Carjat 1/Carjat 2 : 92% au lieu de 98% !!!

Cette comparaison qui permettait, avec les calculs erronés, de prouver la fiabilité de la biométrique de similarité, invalide, s’il en était besoin, la valeur d’une telle étude.

Reste une interrogation. Comment justifier des erreurs aussi grossières dans les calculs ? Je ne vois que deux explications :

– Brice Poreau n’est pas familier avec l’informatique, il préfère réaliser ses opérations à la main ; or, pas de chance, il est nul en maths et commet bourde sur bourde… Une telle maladresse implique un autre soupçon : et si Brice Poreau était aussi nul pour placer les points anatomiques sur les visages ?

– tout est bidouillé, les erreurs sont volontaires, pour arriver à des résultats choisis d’avance.
Et pourquoi pas ?

Imaginons ce qui s’est passé :
On a d’abord pensé à un score de 100% entre Coin de table à Aden et Carjat 2, dans le but de valider une certaine thèse. Les mesures – invérifiables – ont été bidouillées dans ce sens. On a fait à peu près la même chose entre Coin de table à Aden et la photo de Sheik-Othman. Puis on s’est dit que, tout de même, des résultats de 100% et 98% paraîtraient on ne peut plus louches ! Et qu’il faudrait sans doute glisser quelques erreurs dans les calculs, afin de rendre les scores plus probables. C’est devenu carrément nécessaire quand on s’est aperçu que la comparaison censée valider la méthode n’atteignait que le médiocre score de 92% !

Je dis ça, je dis rien…

Comments: 3

  1. Oui, cette prétendue découverte a une forte odeur de fric puisque bien sûr cette photo a vite été vendue à un gogo. Le « spécialiste » Jean-Jacques Lefrère n’en est pas à ses débuts puisqu’il avait « découvert » dans les années 80 LA photo d’Isidore Ducasse, comte de Lautréamont. Et voici comment « L’Express » du 18/12/2008 présentait cette découverte (et ce découvreur) sous la plume de Jérôme Dupuis :
    « « Mon fort accent tarbais m’a permis de gagner la confiance des familles locales », confie Lefrère, qui a conservé quelques rondeurs pyrénéennes dans la voix. « Un jour, la fille du meilleur ami de Ducasse, Louise Dazet, a descendu un vieil album de famille de son grenier, poursuit-il. Et là, soudain, je suis tombé sur la photo d’un adolescent au regard sombre. C’était Lautréamont. » Cela faisait plus d’un demi-siècle que les surréalistes tentaient de mettre un visage sur l’auteur des « Chants de Maldoror ». Dali en avait même peint un portrait imaginaire ! Fort de sa découverte, le jeune Lefrère va trouver Aragon dans son appartement de la rue de Varenne. Le vieux poète à crinière blanche s’absorbe longuement dans la contemplation du cliché et murmure mystérieusement : « Ça convient… Ça convient… » Voilà ce que l’on appelle une entrée fracassante dans le monde des lettres, qui lui vaudra d’être adoubé par Pascal Pia, l’une des discrètes éminences du Paris littéraire. »
    http://www.lexpress.fr/culture/livre/jean-jacques-lefrere-chercheur-d-or_823240.html
    L’amusant est bien sûr « l’expertise » d’Aragon (« Ça convient… Ça convient… ») et surtout l’adoubement de Pascal Pia, bien connu comme faussaire (Apollinaire, Baudelaire, notamment) et surtout pour avoir trempé en 1949 dans l’affaire du faux poème de Rimbaud « La Chasse spirituelle », opération aussitôt dénoncée par André Breton. Ce Lefrère a d’ailleurs postfacé en 2012 une réédition de ce texte « dont rien ne permet plus désormais d’affirmer qu’il est ou n’est pas de Rimbaud » ! Parole de spécialiste !

  2. Merci pour votre intervention, Arthur.
    Vous avez bien raison de faire le parallèle avec ce précédent. Il faudra que je lise ce livre sur le Visage de Lautréamont… je suis sûr qu’il y a d’autres concordances.
    En tout cas, votre extrait d’article est bien drôle.
    Comme l’était ce texte par lequel les Libraires associés et Lefrère, sans preuve aucune, assurait que c’était le poète. La fin est à pleurer de rire :
    « Tout son être paraît protester contre son intégration à ce rituel bourgeois
    de la séance du portrait de groupe, auquel, pourtant, il n’échappe pas. Il ne considère que le spectateur, comme en une muette interpellation, qui n’attend pas de réponse. Il nous regarde, il n’a rien à nous dire »

  3. Solitaire Marc says:

    Je découvre ce jour votre Site, conduit à lui par l’actualité de Rimbaud…

    Ce que j’apprends chez vous de la visite chez Aragon dans les années 80, m’amuse beaucoup (je m’en explique à la suite) , et je ne peux que la solidariser cette visite, avec l’affectation du même Lefrère auprès de Mr. Mitterand en ces années là.

    Je voudrai dire que je n’en veux point à Mr. Lefrère (que je ne connais pas) et qui fait après tout de très grands livres ne serait-ce que par le format (et à temps perdu). Mais bon…
    Lorsque je me suis rendu à Charleville-Mézières il y a une dizaine d’années pour effectuer des recherches sur Rimbaud, l’on me disait déjà aux Archives: mais pourquoi donc, tout est dit… C’est un peu avec cet esprit que la critique a pu accueillir le pavé de chez Fayard: « ce sera bien difficile maintenant d’ajouter quoique ce soit… »

    Or j’ai eu cette prétention dans le livre:
    Marc Solitaire
    « Prolégomènes au Paris d’Arthur Rimbaud-‘vierge au bol… Vierge au Globe’- »
    ed Wiking 2013 /ISBN9782954523903 – 27.50 euros

    Ce livre est l’extrait d’une étude plus vaste, mais d’entrée il est dit : qu’il ne manquera pas d’apparaître totalement étranger à tout ce qu’on a pu nous conduire à penser sur Rimbaud; pour aborder une question que les « 1300 pages » d’une récente biographie mammouth ou les diverses éditions du Pléiade n’effleurèrent même pas !

    Cette question c’est d’abord celle de la mise en rapport de bon sens du célébrissime « Les Sœurs de charité » avec la congrégations des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul; Congrégation avec laquelle et comme par hasard la famille Rimbaud était très liée – retenons simplement que Vitalie et Isabelle étaient (j’apporte les preuves) « Enfants de Marie »…
    Mais alors, c’est finalement l’interprétation même de Rimbaud qui nous a été donnée par Aragon qui vacille, et s’écroule… avec de bien vieilles lunes.
    On jugera sur pièce.

    Reste que pour avoir soutenu cela en « l’année 2013″/2014, avoir voulu ainsi faire ressurgir une religiosité passée (mais incontestable pourtant) contre une interprétation laïque pour le moins, pour avoir remis en cause Lefrère/Aragon/Gallimard mêlés
    m’a vite fait ressentir que cette dernière interprétation des choses, n’ était rien d’autre qu’ un diktat… que personne ne souhaitait voir mis en cause.

    Oui en contraste avec l’intérêt de toute part – et dès lors presque imbécile- pour une photo jaunie et mal assurée dont même le JT de TF1 se fit l’écho (!)
    ce fut silence radio de tous les médias sur mon livre, le dédain de la quasi totalité des institutions culturelles. Disons pour finir, que même le journal de Charleville n’a pas cru bon de s’intéresser à mon livre (y préférant de beaucoup, Axel Khan et sa randonnée pédestre; remake de « Une Saison en… » ?).

    En vous remerciant de votre attention.
    MS.

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